La Chine a pris la tête du développement des ordinateurs quantiques en établissant un record absolu de puissance de calcul.
En 2019, Google a annoncé qu’avec son processeur Sycamore à 53 qubits (un processeur quantique), il était parvenu à réaliser, en 3,3 minutes, une tâche qui prendrait à un superordinateur classique au moins deux jours et demi. Il s’agissait jusque-là d’un point culminant pour la technologie naissante des ordinateurs quantiques.
Moins de trois ans plus tard, en octobre 2021, des scientifiques chinois ont annoncé qu’ils avaient un ordinateur quantique qui pourrait être au moins 1 million de fois plus rapide que le Sycamore de Google. Il y aurait même suffisamment de place pour augmenter encore la puissance de ce processeur. Cette bête de haute technologie s’appelle le Zuchongzhi 2, un processeur quantique de 66 qubits qui serait 10 millions de fois plus rapide que le meilleur superordinateur du monde. Le processeur est mis au point par des chercheurs chinois du Centre d’excellence en information et en physique quantiques de l’Académie des sciences, en collaboration avec plusieurs centres de recherche de Shanghaï.
Zuchongzhi 2 a en effet réussi à résoudre la tâche décrite précédemment un million de fois plus vite que Sycamore en octobre, rapporte Nextgov.
Pourquoi les ordinateurs quantiques sont-ils si importants ?
Les superordinateurs sont couramment utilisés par les militaires américains et chinois pour analyser certains scénarios afin de perfectionner les outils militaires pour toutes les situations possibles. Les superordinateurs sont aussi régulièrement utilisés pour étudier les environnements géographiques et les données océaniques afin de mettre à jour certaines tendances prédictives.
Certaines de ces tâches prendraient encore beaucoup de temps, même avec les superordinateurs les plus modernes. « Même les plus petites particules informatiques ont besoin de temps pour passer de 1 à 0 », note Nextgov.
Toutefois, les ordinateurs quantiques pourraient dépasser les limites physiques des systèmes informatiques binaires en créant une superposition des valeurs 1 et 0. Les ordinateurs quantiques supraconducteurs utilisent des qubits qui obtiennent une combinaison linéaire des deux états (1 et 0) par un phénomène de mécanique quantique. En d’autres termes, les qubits peuvent être à la fois 1 et 0. En même temps.
Le potentiel des ordinateurs quantiques est énorme. Des problèmes cryptographiques incassables pourraient être résolus en un rien de temps. Certains experts affirment que les ordinateurs quantiques pourraient craquer la blockchain décentralisée hautement sécurisée de la crypto-monnaie Bitcoin, par exemple, en un rien de temps. L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique bénéficieront d’immenses innovations grâce à cette technologie, tout comme la médecine et la chimie.
Chine : le leader incontesté expérimente deux méthodes
Les plus grandes superpuissances scientifiques et militaires du monde engagent donc des milliards de dollars pour développer le plus rapidement possible les meilleurs ordinateurs quantiques. La Chine est le leader incontesté de l’avancement de cette technologie, au moins depuis 2020.
Les progrès des Chinois sont impressionnants. En 2020, la première communication quantique dans l’espace a été établie par la Chine. Le satellite Micius a établi une liaison de données ultra-sécurisée entre deux stations distantes de plus de 1 500 kilomètres. L’année dernière, une équipe de chercheurs chinois, utilisant le processeur Jiuzhang 2, a réussi à accomplir en une milliseconde une tâche qui prendrait à un ordinateur ordinaire environ 30 trillions d’années.
Le processeur n’a pas utilisé de méthodes supraconductrices, mais un processeur quantique photonique, c’est-à-dire une interaction entre la lumière et les électrons. « Il est difficile d’augmenter le nombre de photons dans ces ordinateurs quantiques en raison de leur fragilité. Il reste à voir quelle méthode prévaudra », écrit le site technologique.
Stocker les données cryptées de l’Ouest pour les craquer plus tard
Le fait que l’Occident soit si loin derrière la Chine est lié au sérieux avec lequel Pékin prend ses investissements dans cette technologie.
La Chine investirait 10 milliards de dollars dans ce secteur et aurait augmenté de 7 % l’an dernier son budget annuel de recherche sur l’informatique quantique. Le gouvernement américain a dépensé « seulement » 1,2 milliard de dollars pour cette technologie en 2018. Mais en 2021, Washington a présenté un plan visant à injecter 29 milliards de dollars dans l’informatique quantique et l’intelligence artificielle entre 2022 et 2026. Cette proposition doit encore passer par la Chambre des communes, où une proposition similaire a été approuvée en mars. Côté européen, la France et le président Macron ont annoncé, en janvier 2021, un plan à 1 milliard d’euros (1 365 342 825$ canadien) en plus de queques fonds européens et privés, pour devenir la troisième puissance quantique mondiale.
La question est donc de savoir s’il n’est pas déjà trop tard pour dépasser la suprématie chinoise sur les ordinateurs quantiques. Les chercheurs et les entreprises chinoises détiendraient beaucoup plus de brevets sur les technologies quantiques que les Américains et les Européens. Le gouvernement chinois accumulerait également des quantités massives de données cryptées provenant de Washington et d’entreprises américaines, en attendant de pouvoir les débloquer à l’aide d’ordinateurs quantiques. Cela pourrait un jour rendre le fossé technologique infranchissable.
1 000 qubits d’ici 2023 ?
Pour l’instant, Nextgov pense que nous sommes encore à quelques années de la percée finale des ordinateurs quantiques. La génération actuelle d’ordinateurs quantiques utilise environ 50 qubits. Pour déchiffrer un code avancé, des milliers de qubits seraient nécessaires.
Mais le jour où cela deviendra possible se rapproche à grands pas. En novembre, la société technologique américaine IBM aurait fabriqué un ordinateur quantique supraconducteur de 127 qubits et en dévoilera un de 400 qubits cette année. D’ici 2023, IBM prévoit d’avoir un qubits de 1 000.