Les exploits dans le domaine des microprocesseurs continuent, et ce malgré le fait que les fameuses lois de Moore — qui veulent un doublement du nombre de transistors tous les 18 mois — arrivent à leurs limites. Récemment, IBM a présenté un nouveau processeur fonctionnel comportant 50 milliards de transistors sur une surface de la taille d’un ongle, ce qui en fait la puce d’architecture informatique la plus petite et la plus dense jamais produite. Si elle est adoptée pour les centres de données et l’électronique grand public, elle pourrait réduire la consommation énergétique globale.
Il faut savoir que l’industrie de la fabrication de puces informatiques nomme les générations de puces par classe de taille, bien que cela ne fasse pas référence à la taille réelle de la puce. Les nouveaux appareils commerciaux ont tendance à utiliser des puces de 7 nanomètres ou de 5 nanomètres. Par exemple, la puce M1 d’Apple, qui équipe sa gamme actuelle d’ordinateurs, et la puce A14, intégrée aux iPhone de génération actuelle, utilisent toutes deux des puces de 5 nanomètres.
IBM affirme aujourd’hui avoir produit la toute première puce fonctionnelle de 2 nanomètres (nm). Les transistors de ce prototype ont une largeur de 12 nanomètres, soit seulement 24 atomes de silicium. En diminuant la taille des transistors, les puces deviennent plus petites, plus rapides et plus efficaces. Pour les appareils mobiles, cela peut se traduire par une plus grande autonomie de la batterie, car forcément moins d’énergie est consommée.
Une utilisation globale sur tous les appareils électroniques
Selon IBM, ces nouvelles puces peuvent être utilisées dans tous les appareils, des téléphones et tablettes aux puces de serveurs à très haute performance, jusqu’aux superordinateurs. Elles pourraient atteindre des performances supérieures de 45% et permettre une consommation d’énergie inférieure de 75% par rapport aux puces de 7 nanomètres actuellement en production.
Selon Steven Freear, de l’université de Leeds au Royaume-Uni, des puces plus denses apporteraient toute une série d’avantages allant au-delà de l’efficacité énergétique, notamment une meilleure fiabilité grâce à la possibilité d’inclure davantage de sécurité et de logique de vérification des erreurs.
Mukesh Khare, d’IBM, explique que le prototype de puce a été fabriqué au siège de la société à Albany, dans l’État de New York, et que le processus implique « des centaines et des milliers d’étapes » dans une salle blanche de 9300 mètres carrés, active 24 heures sur 24, tous les jours de l’année. IBM affirme que les puces entreront en production vers la fin de 2024, mais qu’elle confiera cette tâche à des usines situées ailleurs.
Loi de Moore et défi de la physique
Les puces telles que nous les connaissons aujourd’hui remontent à 1959, aux laboratoires Bell aux États-Unis, où des transistors ont été fabriqués en oxydant soigneusement un morceau de silicium. Ces minuscules dispositifs sont les éléments constitutifs de l’électronique moderne et tous les progrès réalisés depuis lors ont essentiellement consisté à miniaturiser des technologies similaires. La miniaturisation des puces est régie par les célèbres lois de Moore, selon lesquelles le nombre de transistors d’un processeur double tous les 18 mois environ. Cette loi s’est avérée correcte pendant des décennies, mais elle a ralenti ces dernières années.
Selon les experts, la conception améliorée des puces focalisée sur le transistor se rapproche rapidement des limites physiques fondamentales. « Il est de notoriété publique que la loi de Moore s’effondre. Fondamentalement, on ne peut pas continuer à aller vers des échelles de plus en plus petites. Vous ne pouvez pas changer la physique », déclare Kieran Brophy, de l’Imperial College de Londres.
L’industrie mondiale des puces publie une chronologie des sauts technologiques attendus en matière de miniaturisation afin que les entreprises puissent collaborer pour développer les processus de fabrication et de test nécessaires. Actuellement, cette feuille de route indique que les puces de 2 nanomètres seront lancées en 2023, et que des entreprises comme Taiwan Semiconductor Manufacturing Company devraient commencer à fabriquer des produits commerciaux les utilisant en 2024.
L’Union européenne fait également pression en faveur de la technologie 2 nanomètre et investit 145 milliards d’euros dans la recherche et le développement, ainsi que dans le renforcement des capacités de production.
L’adoption de cette technologie pourrait avoir un impact considérable sur le changement climatique en réduisant la demande d’énergie des vastes centres de données qui alimentent les services de messagerie électronique, de médias sociaux, de banque et de streaming vidéo. Les centres de données de ce type représentent actuellement plus de 1% de la consommation mondiale d’électricité.