En 2019, le prix Nobel de chimie récompensait l’Américain John B. Goodenough, le Britannique Stanley Whittingham et le Japonais Akira Yoshino pour leurs travaux sur les batteries lithium-ion. C’est peu dire que l’invention cette technologie, dans les années 1970, fut une véritable révolution. Présente dans les smartphones, les ordinateurs portables, les montres connectées, les consoles de jeux, les deux roues ou encore les voitures électriques, la batterie lithium a offert à nos appareils une autonomie presque aussi bouleversante d’un point de vue sociétal que l’invention de l’électricité.
Le sodium, des promesses et des limites
Pourtant, ce petit réceptacle à énergie pose encore plusieurs problèmes, à commencer par les matériaux qu’il requiert pour sa conception : le lithium et le cobalt, des matières premières rares et chères, et qui devraient le devenir encore plus face à l’augmentation constante de la demande (notamment dans le secteur l’industrie automobile électrique). Pour ces raisons, des chercheurs s’activent constamment en laboratoire pour tenter de développer une alternative viable à la batterie lithium-ion. L’une d’entre elles s’appuie sur les sels de sodium, bien plus bon marché et surtout, présent en abondance dans les océans et la croûte terrestre.
Si on la considère comme prometteuse depuis de nombreuses années, la batterie sodium-ion présente encore toutefois des limites, et pas des moindres : non seulement elle ne peut stocker autant d’énergie qu’une batterie lithium mais elle supporte aussi encore trop mal les charges à répétition. Au fil des cycles, de petits cristaux de sodium inactifs finissent en effet par s’accumuler au niveau de la cathode, et en viennent à tuer l’appareil. Une équipe de chercheurs de l’Université de l’État de Washington (WSU) et du Pacific Northwest National Laboratory (PNNL, un laboratoire public situé lui aussi dans l’État de Washington), est pourtant parvenue à contourner ces deux obstacles, faisant pour la première fois d’une batterie sodium-ion un dispositif aussi efficace qu’une batterie lithium. Leurs travaux ont fait l’objet d’une publication le 28 avril 2020 dans la revue spécialisée ACS Energy Letters.
Cathode et électrolyte, un lien crucial
Yuehe Lin, professeur d’ingénierie mécanique et des matériaux, et Xiaolin Li, chercheur en électrochimie des matériaux, ont eu l’idée de créer un électrolyte liquide (la substance conductrice présente dans les batteries et qui contient les ions mobiles) boosté en ions sodium. Plus salé, le mélange semblait mieux cohabiter avec la cathode, elle-même retravaillée avec des oxydes métalliques en couche mince. La nouvelle formule s’avéra gagnante : avec des ions sodium en mesure de se déplacer de façon fluide et continue, plus de croûte de cristaux formée au niveau de la cathode. Après 450 cycles de charge, leur batterie a aussi démontré qu’elle conservait une capacité de rétention d’énergie de 82%.
« Nos recherches ont révélé la corrélation essentielle entre l’évolution de la structure de la cathode et l’interaction de sa surface avec l’électrolyte », a déclaré Yuehe Lin. « Ce sont les meilleurs résultats jamais rapportés pour une batterie au sodium-ion avec une cathode en couche mince. C’est aussi la preuve qu’il s’agit d’une technologie viable, comparable aux batteries au lithium-ion. »
En ayant désormais conscience de ce lien déterminant entre la cathode et l’électrolyte, Yuehe Lin et Xiaolin Li vont tenter de trouver des combinaisons de matériaux plus harmonieuses encore. L’un de leur objectif est également de se passer du fameux cobalt. Rare et cher, on l’a vu, il est aussi principalement extrait en République démocratique du Congo (RDC), un État qui cultive bien peu de transparence en matière d’économie minière et où l’exploitation des enfants au travail est légion.
SOURCE: sciencesetavenir.fr