Côté face, Sabre, une entreprise privée cotée au Nasdaq est un rejeton d’IBM dont le business est de servir de base aux services de réservation de vols et autres chambres d’hôtel. Côté pile, en revanche, les informations qu’elle détient servent régulièrement les enquêtes du FBI. Sans vrais garde-fous juridiques.
Ne vous êtes-vous jamais émerveillés de la rapidité à laquelle nous pouvons aujourd’hui comparer les prix de billets d’avion, chambres d’hôtel et autres locations automatiques ?
Derrière cette prouesse technologique se cachent des Global Distribution Systems, des logiciels clés dans le monde du voyage. Et c’est un de ces champions qui est aujourd’hui sous le feu des projecteurs : l’américain Sabre. Selon des documents légaux que nos confrères de Forbes se sont procurés, Sabre coopère de manière régulière avec le FBI en traquant pour lui, parfois en temps réel, certains individus suspectés par « le bureau ». Un suivi légal, mais souvent dans l’ombre, rendu possible par un texte de loi datant du XVIIIe siècle.
All Writs Act, une loi de 1789 surpuissante au XXIe siècle
À la base de cette « relation » entre le FBI et Sabre, une loi américaine du nom de « All Writs Act ». Un texte ancien, dont la substance a très peu changé depuis sa promulgation en 1789. Oui, vous avez bien lu, l’année de la prise de la Bastille à Paris.
Ce texte du XVIIIe siècle est un outil juridique régulièrement utilisé par l’État fédéral américain en ce XXIe siècle. Le plus emblématique est sans nul doute l’injonction des services de police américains envers Apple en 2015, lui demandant de déverrouiller le smartphone d’un des responsables de l’attentat de San Bernardino.
Un ordre qu’Apple a contesté devant les tribunaux, avant que les services du FBI ne fassent marche arrière après avoir réussi à craquer le terminal à l’aide d’une entreprise spécialisée.
C’est grâce à cet All Writs Act de 1789 que les services fédéraux américains peuvent forcer des entreprises comme Sabre à non seulement partager des informations, mais aussi participer activement à une enquête.
Le souci étant ici qu’à moins de passer par la case tribunal, ce qui peut coûter cher autant en temps/argent qu’en représailles, certaines de ces injonctions peuvent être couplées à une obligation au secret. Si Forbes a noté plusieurs occurrences de l’aide que Sabre a apporté au FBI, les obligations au silence imposées dans certaines procédures empêchent un contrôle de l’usage qui est fait des données personnelles. Or, des données, Sabre et ses concurrents en brassent (et en stockent) vraiment beaucoup.
Sabre, Amadeus et Travelport : trois entreprises qui en savent beaucoup (trop ?)
Outre l’américain Sabre (Etats-Unis) il existe deux autres poids lourds des GDS : l’Espagnol Amadeus et le Britannique Travelport avec son système Galileo.
Ces trois grands sont au cœur de la plupart des services de réservation de tous les sites que nous utilisons pour réserver nos vacances. Et l’usage qui est fait de nos données est complètement obscur. Si dans le cas de l’Espagnol Amadeus, les restrictions liées au Règlement général sur la protection des données (GPRD) s’appliquent puisqu’il s’agit d’une entreprise européenne, les deux autres acteurs n’ont absolument pas ce genre de contraintes.
Dans les cas mis en lumière par Forbes les intentions du FBI sont bonnes – il s’agit d’enquêtes contre des personnes recherchées pour des faits criminels. En revanche, la combinaison de lois datées et permissives avec un manque de transparence dans l’usage des données personnelles est un cocktail explosif. Surtout avec les dérives autoritaires du résident actuel de la Maison-Blanche.
Source : Forbes
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